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Article 67 de la Loi El KHOMRI : le licenciement économique « mieux sécurisé » ? Le diable est dans le détail

By 10 janvier 2017Non classé

 

La nouvelle définition du licenciement économique rentre en vigueur à compter du 1er décembre 2016.

Présentée comme une étape supplémentaire dans la « sécurisation du licenciement économique », la Loi El KHOMRI a élargi les hypothèses de recours au licenciement économique. Mais elle a surtout défini des critères qui, une fois réunis, permettraient automatiquement à l’employeur de  recourir au                                                                                                          licenciement économique.

Cette automaticité risque dans les faits d’être remise en question et pourra finalement alimenter des contentieux qu’elle était censés éviter.

– la cessation d’activité et la sauvegarde de la compétitivité : des critères pas franchement nouveaux

Dans l’ancienne définition, soit par paresse, soit par manque de courage, l’article L. 1233-3 du code du travail s’était contenté  d’ouvrir le licenciement économique « notamment en cas des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ». Il appartenait donc au juge de préciser d’autres cas d’ouverture.

C’est ce qu’il a fait. Et depuis les arrêts PAGES JAUNES de 2006, la sauvegarde de la compétitivité, en tant que « réorganisation mise en œuvre pour prévenir des difficultés économiques à venir liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l’emploi » constituait déjà un motif de recours valable.

Plus surprenant, la loi reprend également le motif lié à la cessation d’activité mise en place elle aussi par les juges. Elle justifie les licenciements de l’ensemble des salariés de l’entreprise, indépendamment de la situation économique de cette dernière et du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient, sans que l’employeur qui cesse son activité n’ait à démontrer que la fermeture de l’entreprise est justifiée par des difficultés économiques.

– De nouveaux critères plus précis mais paradoxalement plus subjectifs :

Les difficultés économiques sont « critérisées » selon des indices, même s’il faudra toujours se poser la question de savoir à partir de quand, comme la loi le précise, l’employeur pourra se prévaloir d’une « évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés ».

Conscient des limites de cette définition, la Loi précise, au moins pour deux d’entre eux (les commandes et les chiffres d’affaires), ce qu’il faut retenir en termes de critères :

« Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :
-a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;
b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;
c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;
d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ; »

1 – Il existe peu de sociétés qui, sur une période de référence aussi courte, enregistrent les mêmes chiffres d’affaires. Des difficultés conjoncturelles, même passagères, justifieraient des licenciements économiques alors qu’au contraire, jusqu’à présent, il fallait des difficultés structurelles, propres à l’économie d’un marché.

2 – les tentations de créer artificiellement la baisse significative soit de commande, soit de chiffre d’affaires amènera nécessairement des salariés à contester le motif économique en demandant au juge de reconstituer la réalité du courant d’affaires de l’employeur afin de remettre en question le licenciement.

Le diable est parfois dans le détail.